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Culture et société

Les vrais ennemis du français

Les petits soldats de l'anglicisation

Ce n'est pas l'anglais qui menace la survie du français en Amérique, c'est le rejet, ouvert ou inconscient, du rapport à la culture mère. Orphelin, le Québec sera vite «adopté». Et l'on sait par qui. Les patoisants sont les petits soldats de l'anglicisation. Gérald Godin, poète avant de se perdre en politique, savait, lui, que «le joual n'est que le présent du Québec, et le français son avenir».

Je m'étonne que ceux qui militent pour un «québécois» autonome mais n'ont que mépris pour le «chiac» — ou tout autre créole — ne voient pas l'obscène contradiction.

«Je suis de ceux qui pensent qu'une langue ne cesse jamais de bouger et l'assimilation des mots étrangers — italiens hier ou anglais aujourd'hui — ne m'empêche pas de dormir. Mais si j'accepte que ma langue bouge, je ne veux pas qu'elle s'abîme, qu'elle devienne obscure, qu'elle s'empâte ou qu'elle s'amaigrisse… Si j'étais né afghan, si j'étais né croate, ma langue maternelle m'aurait été un obstacle plutôt qu'un lien... Je ne suis pas seul au monde puisque des milliers de lecteurs, des millions de spectateurs me comprennent grâce à ma langue. Je ne suis rien sans cette langue.»

Jean d'Ormesson, Le vagabond qui passe sous une ombrelle trouée (Gallimard)